Blaise Nada est le premier sous-homme-objet construit par le mouvement féministe : le Front de Libération des Femmes-Objets. Ce mouvement participait à leur émancipation en créant des colonies de femmes-objets interdites aux hommes. Elles étaient volées à leurs propriétaires puis piratées par des informaticiennes militantes du Front de Libération afin de les rendre indociles. Elles retrouvaient alors une autonomie complète, loin de l’exploitation domestique et sexuelle. Les femmes-objets sont encore les uniques habitantes de ces colonies, sociétés souveraines, égalitaires et industrieuses qui constituent un modèle pour le féminisme radical.

Le Front de Libération des Femmes-Objets a fabriqué plusieurs modèles de sous-hommes-objets, les Nada. Les Nada avaient deux fonctions. Leur fabrication servait à dénoncer l’aspect sexiste de la construction d’individus-objets qui ne soient que des femmes, en construisant des modèles homme. Ils permettaient également au Front de bénéficier d’une main d’œuvre logistique, bénévole et disciplinée, pour lutter contre la vente et l’asservissement des femmes-objets.

Blaise Nada a les capacités sociales et l’intelligence sommaire d’un enfant de huit ans. Sa créatrice, grande amoureuse de littérature l’a pourtant doté, pour son propre plaisir, de capacités sexuelles et langagières hors du commun. Finalement lassée, elle l’a ensuite elle-même reprogrammé et émancipé au moment des conflits entre les colonies de femmes-objets et le Front de Libération des Femmes-Objets. Il poursuit depuis une carrière littéraire discrète. Il vit en périphérie de la plus importante colonie de France où il reçoit les visites nocturnes de femmes-objets. Il aime ne rien faire assis sur un coin d’herbe, écrire sur commande et faire l’amour à la demande.

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Pleure, ô pays bien-aimé

Mardi 21 Janvier 2014 à 09:52 - Catégorie: Doppelgänger
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A peine sommes-nous descendus Plaça de Catalunya, que nous nous faisons accoster par un de ces clochards souriants et volubiles qui va nous accompagner tout le long de la Rambla. Le regard clair et les mains noires, il ressemble à un mineur tout juste revenu du charbon et parvient à me taper un clope. Ravi, il nous fait l’article dans un mélange d’espagnol, de catalan et de français en me tapant sur le bras. “Barcelone ? C’est mon ville !” Ma Dame, un peu plus loin, se tient sur la réserve ; entre la caution et la location, elle se balade avec une somme en liquide qui incite à la retenue et à la prudence. Surtout face aux clochards volubiles.

Je retrouve, quant à moi, ce que j’aime dans les villes espagnoles (et méditerranéennes, en général) ce mélange pacifique de populations dans une même rue. Cela existe bien sûr dans toutes les grandes villes, mais ici, il y a une indolence en plus qui change tout. On ne passe pas dans la rue que pour le travail ou les achats avec cet air pressé de l’occidental qui va gagner ou claquer du pognon. On y vit, les enfants y jouent, les anciens s’y promènent en fin d’après-midi, il y a des kiosques un peu partout et c’est souvent là qu’on apprends à aimer. (C’est le paradoxe des pays catholiques qui exposent publiquement les amours adolescentes qu’ils ne pourraient décemment pas accueillir à leurs domiciles.)

Et puis le soir, ce subtil changement par rapport à mon souvenir. Très peu de dealers sur les places, ou alors d’une discrétion exemplaire. Quant aux prostituées… Elles ont pour interdiction de racoler depuis quelques mois. Elles sont toujours sur l’artère principale de notre quartier, mais ne parlent plus qu’à leurs téléphones.  La rumeur de la rue espagnole, ce chaos de conversations, de surprises des retrouvailles éclatant en feu d’artifice de jurons, de chants d’ivrognes, de cris d’enfants, de rires qui lézardent les nuits est plus bas (bon, nous ne sommes que lundi…) bien que, comme le relève Ma Dame avec cette capacité bien à elle d’avoir dans le ton ce mélange d’admiration pour ma constance et de dérision pour mes obsessions “En te baladant au hasard, tu nous as instinctivement emmené dans le quartier le plus craignos et l’ancien quartier des putes.” Shilo, français expatrié à Barcelone, notre guide d’un soir, nous donne une explication en forme d’anecdote.

Nous arrivons sur une belle place triangulaire :

“Avant, on l’appelait la plaza del tripi, parce qu’on venait y faire son petit voyage. Il avait beaucoup de petits voyous, on pouvait y acheter du shit et on y fumait son joint en faisant son petit tripi dans sa tête. Puis la municipalité y a installé des caméra de surveillances et a cassé les marches qu’il y avait au milieu de la place. Avant, il y avait des gens assis toute la journée et toute la nuit. Maintenant…”

Maintenant, il y a un petit jardin d’enfant avec deux mecs de la rue qui se demandent ce qu’ils font là. Et une affreuse statue. Et une jolie place vide.

“C’est le premier endroit public extérieur qui a bénéficié de la vidéosurveillance en Espagne. Vous savez comment s’appelle la place, en vrai ?
– Non… (Pour le touriste, l’ignorance est une qualité. C’est elle qui provoque l’agrément de la surprise permanente et qui permet que tout ce qui est inconnu devienne, comme par définition, exotique. Etre ignorant sert à pousser des oh ! et des ah ! d’admiration et de satisfaction devant la beauté du monde et des congés payés.)
– Place George Orwell… ça ne s’invente pas.”

Puis nous allons boire des bière en disant du mal du Parti Populaire, en écoutant des anecdotes terrifiantes sur la crise et, pour ma part, en regrettant qu’ici aussi, dans un endroit où la liberté était moins ancienne, et donc moins mesurée, moins pingre qu’ailleurs, les imbéciles parviennent quand même à lui donner cet air triste qu’elle a déjà chez nous.

La Plaza de George Orwell…

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Les quatrièmes : Quand viendra la dernière lune, Joe Parker.

Mardi 16 Juillet 2013 à 20:04 - Catégorie: Les quatrièmes
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Wall Street, sept heures du matin. Une partie de l’équipe de nuit arrive sur les lieux. Une mort suspecte a été signalée plus de deux heures auparavant par l’opérateur. Mais la tempête de neige ne facilite, ni les transports, ni l’analyse de la scène de crime. La jeune femme est partiellement dévêtue, son visage est intact. Elle porte des plaies béantes au niveau du cou ; elle a quasiment été décapitée. Eviscérée. Une jambe arrachée est toujours manquante malgré les fouilles. John Ross, le plus vieil inspecteur de la brigade, un Cherokee, ne peut s’empêcher d’avoir une intuition extravagante qui sera confirmée après quelques jours d’enquête. C’est un loup qui a fait le coup. Un putain de loup affamé se balade dans Manhattan…

Alors que New-York s’enfonce dans un hiver particulièrement rude, les cadavres se multiplient. Presque toujours des  jeunes femmes qui travaillent de nuit comme femmes de ménage dans le quartier des affaires. “Déjà des victimes…” A chaque fois, elles sont atrocement mutilées. Le fait qu’elles soient d’origines latines ou noires de peau crée des tensions politiques dont la pression pèse sur l’inspecteur John Ross. Quand l’une est violée par la Bête, le vieil indien abandonne sa panoplie de flic et commence une nouvelle forme de traque. Avec l’aide d’autres policiers indiens, il se transforme en chasseur.

“Le dernier roman de Joe Parker se définit par un curieux paradoxe. Au fur et à mesure des pérégrinations urbaines de l’inspecteur Norris, sous les lumières chirurgicales des réverbères, des néons de l’hôpital ou de la morgue et à travers un traitement documenté et des dialogues réalistes se dessinent en contrejour les ombres menaçantes d’un fantastique souterrain. C’est la première fois que Joe Parker abandonne sa veine naturaliste teintée de mysticisme pour se lancer dans le polar. Pourtant, jamais ses thèmes habituels autour de l’identité d’une nation dans son rapport à l’espace sauvage n’ont été mieux exploités qu’ici. Plus qu’un livre, c’est un véritable tour de force.” The Guardian

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Les quatrièmes : Les Pénitents, Anonyme.

Samedi 13 Juillet 2013 à 14:05 - Catégorie: Les quatrièmes
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“Vouloir approcher la sainteté et baigner dans la fange ? L’air vicié par le sang et le foutre que les brebis ramènent à l’église ? Comme mes paysans, je charrie tous les jours du fumier. Mais c’est le leur qu’il me faut porter.”

Manuscrit inédit retrouvé dans les archives de Michel Foucault, annoté par André Breton, Les Pénitents est un document historique unique, le journal d’un curé de campagne, de la fin du XIXème siècle, qui note scrupuleusement et dans un style télégraphique les confessions de sa paroisse. Il dévoile l’envers du décor d’un village paisible du Cantal, des péchés véniels avoués par les enfants jusqu’aux actes les plus abominables et qui demeurent impunis, grâce au secret de la confession. Les Pénitents est une histoire de la faute, de la sexualité, mais aussi celle d’une perte de foi qui se traduit par l’acte d’écriture même, faute commise par le curé par rapport au secret de la confession, au pardon et à l’oubli. Mais qu’est-ce que Dieu peut bien faire de cette bergère violée dix ans durant par la moitié d’un village ? Faire du sacrement une complicité tacite ?

“Cette saga qu’on croit pastorale et qui se révèle sadienne, ce “roman gothique”  qui foisonne de monstres révélés et d’innocents souillés, cet examen de conscience qui devient une descente aux enfers, tous ces éléments qui emmènent dans une fantasmagorie des perversions constituent un témoignage exceptionnel. Un document coup de poing.” Libération.

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Les quatrièmes : La Mort de Calliope, Simone Broch.

Mercredi 10 Juillet 2013 à 09:40 - Catégorie: Les quatrièmes
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Henri Brucq est un écrivain célèbre qui utilise sa notoriété pour courir les salons, manger gratuitement et séduire, malgré son obésité morbide et ses problèmes d’érection, jeunes lectrices et étudiantes. Pourtant le Pape de l’autofiction n’a, depuis dix ans, publié que deux recueils d’entretien. “L’estomac plein et les c**** vides”, le bonheur l’empêche d’écrire, lui qui s’appuyait avant sur une funeste biographie. L’aigreur et la jalousie ne suffisent pas à lui inspirer un nouveau roman. Il se consacre désormais uniquement à la boulimie et aux orgies sexuelles. Un jour, dans un club échangiste, il rencontre une jeune femme, Calliope. La soirée dérape et, dépassé par les fantasmes démesurés que suscite mystérieusement la jeune femme, il la tue. Il s’agissait, hélas, de la Muse dont les talents égarés ne servaient presque plus qu’à égayer la libido de vieux messieurs. Toute imagination est éteinte. Les enfants cessent de jouer et meurent d’ennui, il n’y a plus d’histoires d’amour et l’autofiction devient l’unique genre littéraire mondial. Les rares fantasmes qui donnaient encore un peu de vigueur à Henri Brucq ont également disparu. Il doit ressusciter Calliope.

Ce pamphlet jubilatoire dans lequel Simone Broch, femme du père de l’autofiction française Raymond Broch, brocarde dans ce roman à clés le petit milieu de l’édition germano-pratine, circule sous le manteau depuis une dizaine d’années. Si quelques bonnes feuilles sont connues du grand public, il s’agit ici de la première édition intégrale. Pornographie rabelaisienne et critique littéraire, ce roman à scandale n’a pas fini de faire parler de lui.

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Les quatrièmes : La Maison nomade, Thomas Salmon.

Mardi 09 Juillet 2013 à 14:51 - Catégorie: Les quatrièmes
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John est un employé de pompes funèbres dont la vie se résume à une routine immuable, casanière et célibataire. Il vient d’accomplir le rêve de sa vie, devenir propriétaire d’une petite maison. Il n’en partira que pour aller une dernière fois, juste en face de chez lui, se faire enterrer dans le cimetière dans lequel il travaille. Un mois après son installation, alors qu’il est enfin parvenu à disposer chaque objet à la place idéale et qu’il s’apprête à partir au travail, il trouve dans l’entrée du sable fin qui s’écoule lentement sous la porte. Il ouvre. La maison se trouve au plein milieu d’un désert.

Depuis, chaque lundi matin, la maison se retrouve dans un endroit différent de la planète et John, contraint de lutter pour sa survie, devient un aventurier involontaire. Il commence à peine à s’habituer à la situation lorsque celle-ci se complique : il tombe amoureux…

Le sixième tome des Conditions Initiales est un roman fantastique et d’aventures à la lecture duquel tout semble possible. Thomas Salmon, après le succès des cinq premiers tomes, ouvre ainsi un second cycle avec un nouveau personnage, mélange improbable de Bartleby et de Bob Morane, confronté à une vie trépidante alors qu’il n’aspire qu’à remplir son frigo et regarder des vieux films en noir et blanc.

“On en ressort estomaqué.” Le Figaro Littéraire.
“Superbe roman d’aventures, métaphore de la lecture, cette épopée de canapé.” Le Monde Littéraire.

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Ce qu’il reste de Papa : Notes.

Mercredi 06 Mars 2013 à 21:54 - Catégorie: Fugitives
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Petites, nous avions cru que l’enfance était éternelle. Et la pénombre du bureau où rien d’autre que la silhouette de Papa ne bougeait représentait cette éternité. A quelques années d’intervalle nos enfances respectives étaient mortes. Chloé ne s’est jamais vraiment remise de cette trahison.

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Ce qu’il reste de Papa : Notes.

Mercredi 06 Mars 2013 à 21:22 - Catégorie: Recueil de lieux communs
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“Autour de nous, il n’y avait que des bibliothèques, partout. Des livres accessibles et des rayons interdits.

(…)

Il y avait aussi les interdits, que je piquais en écartant les rayons pour que personne ne se rende compte de mes lectures.

(…)

Enfin, il y avait la bibliothèque privée de mon père, dans son bureau de St Michel-sur-Orge puis, juste en face de son bureau, toujours ouvert sous son regard, quand nous avions déménagé à Lévis St Nom dans la forêt de Rambouillet. Ce n’était qu’une collection incroyable des Fleuve Noir et des collections de science-fiction françaises des années soixante. Là, je me suis goinfré des grands auteurs américains de science-fiction, si révolutionnaires que mon père nous les interdisait tout en les laissant à notre portée.

J’avais installé un système de lecture qui permettait de lire dans mon lit. Quand mon père ouvrait la porte de ma chambre, la lumière de lecture installée sur mon lit s’éteignait. Je sais, pour lui avoir demandé en soins palliatifs, qu’il connaissait mon stratagème. Je lui dois ma culture littéraire. Il fut, plus tard mon seul premier lecteur et correcteur, discret et complice.”

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La fausse commune

Dimanche 03 Mars 2013 à 15:15 - Catégorie: Imprévus de presse
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Nous allons tous mourir. A l’exception de ceux qui sont déjà morts. Ils sont beaucoup plus nombreux que les vivants. Dans le monde médiéval, qui connaissait la mort mieux que nous et qui reprenait sans chipoter de la peste et du choléra, on se félicitait de cet état de fait. On brûlait aussi des femmes et on donnait des bergères aux loups. On savait s’amuser d’un rien, c’est à dire de tout. On représentait la mort dévorant l’humanité sous forme de danses macabres emmenées par le Pape. C’est qu’on savait que la mort se moque des distinctions sociales et qu’elle frappe avec la même sévérité le riche et l’indigent, l’homme de pouvoir et l’homme de peine. Hélas, de nos jours, la mort ne fauche plus qu’à peine. Son crâne nu transpire. Nous avons augmenté notre espérance de vie, c’est à dire qu’on ose plus regarder la mort en face. Les Papes ne meurent plus menant derrière eux la sarabande du peuple dansant, ils démissionnent. Ils se retirent. Ils ne jouent plus.

Tous égaux devant la mort ? Pas sûr. Certaines processions funéraires sont plus suivies que d’autres et l’on se réunit autour du cercueil des plus ou moins célèbres. La semaine dernière, la France a connu deux deuils.

Stéphane Hessel est mort. Il avait 95 ans, ce qui est un âge honorable. Certes, la vieillesse est un naufrage et il était un peu aigri sur la fin, c’est le privilège de la vieillesse. Il avait même écrit un opuscucule intitulé Indignez-vous pour expliquer son aigreur. A la suite de quoi, paraît-il, dans toute l’Europe et même à New-York des millions d’aigris avaient manifesté pour se plaindre alors qu’ils n’avaient pas tous des rhumatismes. C’est que Hessel dans son ouvrage, s’achevant sur un slogan embarrassant : “Créer, c’est résister. Résister, c’est créer” qui montre que même en deux phrases, à 93 ans, on radote, c’est que Hessel, disais-je, avait la nostalgie qu’on éprouve légitimement à l’approche de la mort pour le temps jadis, le programme du Conseil National de Résistance et l’absence d’Israël comme état. Mort, il fait la couverture de Libé avec un jeu de mots  “Un juste” qui montre bien la disparition totale de toute culture historique au moment du choix de la couve. Si le calembour est la fiente de l’esprit qui vole, Libé montre quotidiennement qu’on ne doit pas hésiter à chier sur ses lecteurs. De haut…

Daniel Darc est mort, il avait 53 ans, ce qui montre qu’il était beaucoup moins résistant que Stéphane Hessel. Il était chanteur. Il était content d’être encore en vie malgré la drogue, les veines tranchées sur scène et les cicatrices qu’il arborait malgré lui. Il a traversé le post-punk et la new wave avant de faire de la chanson française. Quand on a beaucoup vécu, la vieillesse est un naufrage qui commence tôt et s’achève rapidement. Il a pris de la bouteille. Trop. Et des médicaments. Les anciens toxicos sont souvent des gens qui finissent par se soigner avec des drogues légales et qui croient creuser ainsi le trou de la sécu plutôt que leur tombe. Il faut bien dormir. Et des fois, on dort trop longtemps. Mort, il fait la couverture de Libé avec un jeu de mots  “Darc en ciel”. Si le calembour est la fiente de l’esprit qui vole, Libé montre quotidiennement qu’on ne doit pas hésiter à chier sur les tombes. Sans doute une ultime scorie de la geste punk…

Tout le monde meurt, mais certaines morts seraient des évènements particuliers. Toutes les fosses ne sont pas si communes. La vie publique autorise tout un chacun à s’emparer de la mort des célèbres (comme je le fais d’ailleurs ici). Il ne s’appartiennent plus. Va-t-on mettre l’un au Panthéon ? L’autre au firmament en rajoutant une star aux étoiles qui éclairent la nuit ? On croit rendre des hommages ? On crée de toute pièce un fait marquant à partir de ce qui n’est qu’une anecdote. Un vieillard s’éteint d’avoir vécu trop longtemps, un homme meurt d’avoir vécu trop. Nous les connaissions parce que les industries médiatiques avaient imposé leur présence à notre table alors que nous écoutions la radio ou lisions les journaux. On les connaissait à peine. On avait pas lu leurs livres parce que dix pages, cela nous paraissait un peu court ; ni écouté leurs albums parce que dix plages, ça faisait un peu long. Pourtant pendant quelques jours, ils font partie de nos conversations, de celles gênées qui se tiennent à voix basses, aux enterrements, pour que la famille n’entendent pas qu’on est venu que par politesse. Ce qui est la moindre des choses. Comme mourir l’est. Nous en sommes tous capables.

On ira pas pourrir au Panthéon. C’est dommage, ça doit être rigolo d’entendre à l’entrée Voltaire et Rousseau qui s’engueulent pendant que Louis braille…

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La Femme-33tours a un caractère exigeant
Et n’accepte de chanter
Que sous la caresse d’un diamant.

La Femme-Allumette ne brûle qu’une fois,
On la prend, on l’allume, on la jette.
Mourante, elle reste de bois.

La Femme-Biberon gonfle sa poitrine
Maternant de maladroits pubères
Qui confondent, encore, tétines et tétons.

La Femme-Bilboquet s’en va et revient toujours
Pourvu qu’elle soit fermement tenue,
Mais son amour ne tient qu’à un fil.

La Femme-Cafetière ne s’ennuie jamais la nuit,
Elle excite ses amants
Qui lui consacrent leurs insomnies.

La Femme-Carnet change de draps comme de page,
En léchant un doigt
Qui n’est pas toujours le sien.

La Femme-Clenche est une bonne normande
Qui a su s’ouvrir au service de l’aristocratie parisienne
Et s’enfermer avec le Maître.

La Femme-Compas arpente d’un pas toujours égal
La distance entre tous les coeurs masculins
Qu’elle perce d’un talon mutin.

La Femme-Contrebasse a quatre cordes à son arc.
Les flèches qu’elle plante dans les coeurs
Ont Cupidon pour archet.

La Femme-Cuillère aime les ablutions.
Elle languit dans un maigre bouillon
En rêvant de hammams clandestins.

La Femme-Fourchette va de la chair piquée à la bouche ouverte.
Elle tourmente l’une pour satisfaire l’autre,
En de plaisants aller-retours.

La Femme-Gant a quatre amants infatigables
Dont elle se lasse facilement. Aussi dit-elle “Pouce !”  souvent
A son pauvre marri.

La Femme-Parfum est entêtante,
On la sent toujours sans jamais la voir,
Elle imprègne un quotidien dont elle est désespérément absente.

La Femme-Punaise épingle ceux qui n’ont su la faire jouir
Et déménage fréquemment,
Faute de place sur ses murs.

La Femme-Savon s’étiole à chaque étreinte
Et mourant d’avoir été trop aimée,
Son âme s’envole dans une dernière bulle.

La Femme-Soliflore laisse ses conquêtes à la Femme-Fleur
Dont elle recueille les miettes sous forme de pétales
Tombés au champ d’honneur.

La Femme-Soupape fait parfois de graves dépressions
Qui la laissent alitée et pantelante
Et qu’elle soigne à grands coups de piston.

La Femme-Table de Chevet vit au pied des lits
Et contemple pour l’éternité
Les amants qu’elle a achevés.

La Femme-Véhicule s’affaire goulûment sur une bite,
Tandis, qu’à coup de rein, on lui facilite le transit.
(Im)Moralité : Elle préfère les transports en commun.

La Femme-Ventouse, a la souplesse du caoutchouc,
Elle est presque invisible mais laisse sur la peau
Des traces en forme de suçon.

Le livre ici et là :
sur le site d’anXiogène
en souscription chez Ulule 

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