Peter Digital Orchestra LOCAL HERO EP : The Revenge of the Nerd
Tags: Électro, Peter Digital Orchestra, Revenge of the Nerds
Dans l’écosystème social, le nerd avait le statut de l’animal en voie de disparition. Rappelez-vous votre scolarité, pendant que nous testions les psychotropes, apprenions à dégrafer d’une main experte des soutien-gorges et écoutions Led Zeppelin, le nerd se passionnait pour la programmation, les romans d’Isaac Asimov et les compiles Synthétiseurs. Physiquement faible et nul en sport, myope comme une taupe, le cheveux gras, le nerd semblait incapable de se reproduire. Il nous faisait penser à Stephen Hawking, ce mutant qui regardait les étoiles tordu dans un fauteuil roulant. Sauf que nous ne connaissions pas Stephen Hawking. Le nerd n’était pas cool.
Aujourd’hui tout à changé. Si Steve Jobs pète, c’est toute la planète qui sent mauvais. Et Stephen Hawking s’est transformé en Quentin Tarantino. Pas beaucoup plus beau, mais alors beaucoup plus cool. Le nerd incarne un cool décontracté, parce que c’est un cool qui s’ignore. Il est devenu le prescripteur culturel ultime, dont le savoir encyclopédique et la capacité de gérer de l’information lui permettent de faire le tri pour séparer le bon grain de l’ivraie. Pendant ce temps, les anciens cool ont raté leurs études, ont des boulots minables, sortent le samedi soir pour trouver une excuse à leur alcoolisme et ramène des radasses dans leurs pavillons à crédit.
Peter Digital Orchestra est un sale nerd. Il porte la raie sur le côté, il a des lunettes et du duvet, il porte des chemises boutonnées jusqu’en haut… Et il est cool… La preuve, la première fois que je l’ai vu, c’était lors d’un DJ set. Deux titres m’ont marqué ce soir là. Paper Planes de MIA que j’entendais pour la première fois et dont la force dancefloor était immédiatement perceptible. Et une tuerie électro qui m’a immédiatement chauffé les sangs, un morceau à la fois super booty et qui se permettait aussi de breaker dans tous les sens. Le titre me reste dans le crâne plusieurs semaines avant que je ne revoie P.D.O. en DJ set et que j’apprenne que ce titre d’une simplissime efficacité se nomme Juicy Lady et avait été commis par le bonhomme.
Peter Digital Orchestra sort un nouvel E.P. Local Hero chez Eklektik Records et oui, c’est bon et oui, c’est cool… Pffffff… Il tient une formule assez redoutable qu’il décline sur les 6 titres suivants.
Born in 1980 sonne comme la version dance mid-tempo d’un soundtrack de Carpenter.
Red and White démarre sur un gimmick qui rappelle la mort du héros dans un jeu CPC 6128, avant de torturer une ligne de basse innocente pour notre plaisir pervers
Bubblegirl est mon titre préféré de l’album. Un petit bijou de production millimétrée, à la fois gras et primesautier qui tend vers un 8 bits de bon goût.
Jeux de langues prend le temps d’installer sa ligne avant de finir en hip-hop digital old-school qui revendique plus la libération des culs assis que des frères en prison.
Banging Booties avec son énorme ligne de basse surcompressée passe à un long pont clavier eighties avant de rebalancer la sauce derrière des samples de voix qui rappelle le meilleur du new beat.
Rebond achève le tout en reprenant l’ensemble des ingrédients.
Toujours sexuel, mais (presque) jamais putassier, c’est un E.P. dont les morceaux démarrent sur des boucles presque évidentes de facilité avant que systématiquement le nerd ne s’en empare pour en faire des break beats ravagés et dansant, qui rappellent la scène américaine de la fin des années 80 quand personne n’avait encore eu le front de séparer tout à fait Chicago, New York et Detroit… On se croirait revenu une époque où house, hip-hop et techno étaient juste les déclinaisons d’une volonté de faire danser le ghetto sur les machines et non pas encore des chapelles strictement séparées, à une époque où les nerds ne rentraient pas dans les teufs mais préparaient leur revanche en mimant des masturbations sur des machines électroniques. Local Hero est un E.P. péchu et dansant, idéal pour faire revenir ta femme en moins de 24h00 ou pour draguer en club.
Pour être un peu méchant, (ça permet de faire croire qu’on est un critique pro et puis ça alimente les conversations la fois suivante en vertu de la règle qui veut que quand tu fais dix compliments avec une seule nuance à un artiste local, en général la personne ne se souvient que de la nuance…) on dirait à Peter qu’on aimerait bien parfois un peu plus de richesse mélodique pour que sa musique prenne un peu plus d’ampleur et ne s’arrête pas au gimmick. Mais on peut lui reconnaître que des gimmicks en question, il tire le maximum sur le E.P. et encore plus en live.
Depuis les années 80, où il se faisait taper son goûter dans les couloirs, Peter Digital Orchestra se porte bien et a enfin du succès avec les filles. En tout cas, sa gonzesse est bonne. Et son E.P. aussi…
Khalifa et le Reggae Orchestra : Riddim Symphonie
Tags: Orchestre d'Hérouville, Positive Radical sound, Reggae
Sur le papier, ça a tout du projet excitant… Il s’agit d’associer sur scène un combo reggae et une formation classique. Pour le combo reggae, c’est Khalifa et PRS (Positive Radical Sound) qui s’y collent. Pas de souci donc. PRS tourne depuis des années et compte en son sein de très bons musiciens. Du côté de la formation classique, c’est l’Orchestre d’Hérouville qui va se colleter aux rude-boys. Pas d’inquiétude non plus, il commence à avoir l’habitude de ce genre d’exercice puisqu’il est déjà coupable de s’être fourvoyé dans la musique électronique avec Ybrid et le Requiem Ex Machina. Personnellement, ça m’avait déjà beaucoup plu.
La question sur ce genre de projet est toujours la même, les deux formations vont elles réussir à communiquer, à créer l’harmonie et à la retranscrire sur scène ? C’est que pendant que les musiciens de l’Orchestre passaient leur Bach d’abord, les PRS faisaient l’école buissonnière en Jamaïque. Entre les aficionados du feuillet de partition et ceux de la feuille à rouler, le dialogue peut susciter des quiproquos qu’il faut surmonter sur scène.
En plus de PRS, présentant une formation somme toute assez typique, voix, choeurs, guitare, clavier, basse, batterie, on a donc droit sur scène à un percussionniste classique, un pupitre de cuivres et un pupitre de cordes le tout dirigé par Norbert Genvrin.
Pour vous rassurer immédiatement, le concert fut très bon. Et la réussite vient d’abord du travail de Stéphane Lechien dont les arrangements vont établir le continuum nécessaire à un bon dialogue entre les deux orchestres. Tapant très pertinemment dans les musiques populaires noires qui ont déjà eu droit aux arrangements orchestraux (swing, musique afro-cubaine, BOF de blacksploitation), Lechien emmène très rapidement l’orchestre vers des couleurs plus classiques et s’amuse à citer Carmen, le tout sans perdre l’assise rythmique de PRS. On a donc à la fois la force chaloupante du riddim et la grâce, non dénuée d’humour, de l’Orchestre. Si l’on a l’habitude d’entendre, depuis le revival ska américain, de très bons cuivres à la fois techniques et chaleureux, les cordes ajoutent sans conteste un vrai plus au tout : c’est à la fois très rare et très beau. Stéphane Lechien retrouve alors la formule magique qui a fait la gloire des arrangeurs sud-américains, comme Lalo Schiffrin ou Emir Deodato, capables de diriger un symphonique comme d’arranger une bossa en gardant un subtil équilibre entre la musique des conservatoires et celle des ghettos.
De magnifiques arrangements de cordes donc, la balle est dans le camps de PRS. Et le combo tient très bien sa machine, Nesta à la batterie et Nono à la basse proposent des riddims on ne peut plus posés et les interventions de Pierre à la guitare sont d’une efficacité redoutable. Je ne les avais pas vu sur scène depuis quatre ou cinq ans et ils ont pris de la bouteille dans le bon sens du terme. Je vais retourner les voir. C’est une formation qui vaut très largement les formations reggae nationales et qui a démontré ce soir là sa capacité d’adaptation et de création.
Comme dans beaucoup de créations, on repère quelques petites faiblesses, de légers flottements rythmiques. C’est vrai qu’on aurait aimé voir Khalifa prendre un peu plus la scène ou des solos de cuivre avec des attaques plus franches. C’est normal, il y a encore un peu de timidité devant la difficulté de l’enjeu. L’Orchestre et PRS, c’est un peu un couple au premier soir de rendez-vous. Et on ne doute pas que l’histoire peut continuer. Le spectacle est bon. Il ne demande qu’à tourner un peu plus pour trouver le ton juste qui mettra encore mieux en valeur l’idée. En dehors de cette petite fragilité, le pari est largement réussi, les deux formations s’enrichissent l’une l’autre et trouvent sur certains passages une véritable unité dont tout le monde ressort grandi.
Il paraît que le spectacle est à vendre, moi, j’achète sans problème…