Archives pour ‘Citations‘

Arbeit macht Frei

Mercredi 07 Mars 2018 à 16:14 - Catégorie: Citations
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« Loisirs et oisiveté. Il y a une sauvagerie tout indienne, particulière au sang des Peaux-Rouges, dans la façon dont les Américains aspirent à l’or ; et leur hâte au travail qui va jusqu’à l’essoufflement le véritable vice du nouveau monde commence déjà à contaminer la vieille Europe, à la rendre sauvage en propageant un manque d’esprit tout à fait singulier. On a maintenant honte du repos : la longue méditation occasionne déjà presque des remords. On réfléchit montre en main, comme on déjeune, les yeux fixés sur le courrier de la Bourse, on vit comme quelqu’un qui craindrait sans cesse de « laisser échapper » quelque chose. « Plutôt faire n’importe quoi que de ne rien faire » ce principe aussi est une corde propre à étrangler tout goût supérieur. Et de même que toutes les formes disparaissent à vue d’oeil dans cette hâte des travailleurs, de même périssent aussi le sentiment de la forme, l’oreille et l’oeil pour la mélodie du mouvement. La preuve en est dans la lourde et grossière précision exigée maintenant partout, chaque fois que l’homme veut être loyal vis-à-vis de l’homme, dans ses rapports avec les amis, les femmes, les parents, les enfants, les maîtres, les élèves, les guides et les princes, on n’a plus ni le temps, ni la force pour les cérémonies, pour la courtoisie avec des détours, pour tout Esprit de conversation, et, en général, pour tout otium. Car la chasse au gain force sans cesse l’esprit à se tendre jusqu’à l’épuisement, dans une constante dissimulation, avec le souci de duper ou de prévenir : la véritable vertu consiste maintenant à faire quelque chose en moins de temps qu’un autre. Il n’y a, par conséquent, que de rares heures de probité permise : mais pendant ces heures on est fatigué et l’on aspire non seulement à « se laisser aller », mais encore à s’étendre lourdement de long en large. C’est conformément à ce penchant que l’on fait maintenant sa correspondance ; le style et l’esprit des lettres seront toujours le véritable « signe du temps » . Si la société et les arts procurent encore un plaisir, c’est un plaisir tel que se le préparent des esclaves fatigués par le travail. Honte à ce contentement dans la « joie » chez les gens cultivés et incultes ! Honte à cette suspicion grandissante de toute joie ! Le travail a de plus en plus la bonne conscience de son côté : le penchant à la joie s’appelle déjà « besoin de se rétablir », et commence à avoir honte de soi-même. « C’est bon pour la santé » c’est ainsi que l’on parle, lorsque l’on est surpris pendant une partie de campagne. Oui, on en viendra bientôt à ne plus céder à un penchant pour vita contemplativa (c’est-à-dire à se promener, accompagné de pensées et d’amis) sans mépris de soi et mauvaise conscience. Eh bien ! autrefois, c’était le contraire : le travail portait avec lui la mauvaise conscience. Un homme de bonne origine cachait son travail quand la misère le forçait à travailler. L’esclave travaillait accablé sous le poids du sentiment de faire quelque chose de méprisable : le « faire » lui-même était quelque chose de méprisable. « Seul au loisir (otium) et à la guerre (bellum), il y a noblesse et honneur » : c’est ainsi que parlait la voix du préjugé antique ! »

Le Gai Savoir, IV, § 329, Loisirs et oisiveté, Friedrich Nietzsche. (J’ai mélangé rapidement deux traduction celle de Bouquins et celle d’Henri Albert revue par Marc Sautet pour le Livre de Poche.)

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La geste citoyenne

Mercredi 12 Août 2015 à 08:10 - Catégorie: Citations
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“Le président de la République : habit noir, pas de décorations, pas d’aides de camp, pas de chevaux, pas de panache. Vit simple, modeste, fier ; entre pauvre et sort pauvre. N’accorde aux princes que ce qu’il en reçoit. Dit Monsieur au roi d’Angleterre et à l’empereur d’Autriche.
En France, l’égal de tous les citoyens ; hors de France, l’égal de tous les souverains.”
Choses vues
, Victor Hugo.

(Il n’y a pas de majuscule aux titres mais il y en a au régime et aux nations. Le diable républicain se cache dans les détails typographiques.)

1848, toujours. Au moment où Hugo écrit ces lignes, il est encore de droite. Républicain certes, mais conservateur. Après la révolution de février, il refuse la proposition de Lamartine et de son gouvernement provisoire. Il se prononce pour la Régence. Ce n’est qu’après la chute du gouvernement provisoire qu’il se rend compte que les conservateurs ne veulent pas de la même République que lui. Et qu’il basculera définitivement à gauche. Jusqu’à, à la fin de sa vie politique, se rapprocher et défendre les rouges, longtemps honnis.

Citoyen… Ce mot n’hésite pas, ici, à abaisser un président au niveau de son peuple pour élever ce peuple au rang de souverain. Il était la marque de l’égalité de tous et donc  de l’élévation de chacun. Au noble déchu, au prélat, au paysan, on disait citoyen. Aujourd’hui, est citoyen celui qui fait ce que tous ne font pas forcément. Ce mot est devenu celui de la distinction bourgeoise de gauche.
“C’est un geste citoyen !” On affirme ainsi sa différence lucide, sa supériorité morale, sa profondeur de vue, son refus de la facilité parce qu’on a su trouvé seul, au mépris parfois de 50m à pied supplémentaires, le container jaune. Citoyen… C’est ainsi que se nomme celui qui a honte d’être un bourgeois.

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Se faire son propre avis en citant un tiers

Jeudi 15 Janvier 2015 à 09:41 - Catégorie: Citations
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« Martyr, c’est pourrir un peu. »

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Offrir de bons traitements

Mardi 19 Juin 2012 à 16:57 - Catégorie: Citations
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“La nuit les loups sont bleus, un peu phosphorescents.

Il y a des loups, tu sais, qui regardent aux fenêtres et qui voient la distance. Il y a des loups qui pleurent du silence de la proie.

Il y a des loups qui traînent des rumeurs rose et jaune, il y a des loups qui lèchent le cou des dentellières, il y a des loups furtifs, des loups à la saison. Il y a des loups jaloux dans des villes étrangères.

Il y a l’hiver qui pousse.

Il y a des loups savants qui dorment dans les livres, des loups anachorètes et des loups synthétiques. Il y a des loups absents, très absents, très absents. Il y a des loups sans fond, ce sont les meilleurs loups.

Il y a des loups d’argile, des loups de papier peint. Il y a des loups arabes avec des rubans verts, des loups de temps en temps, d’autres plus absolus. Certains loups sont faciles et le vent les traverse.

Il y a des loups solaires. L’ombre leur veut du bien, eux regardent la mer. Il y a des loups comme ça.

Ils ne rêvent pas toujours, mais ils rêvent quelquefois

Il y a des loups de printemps, des loups d’offres spéciales. Il y a des loups abstraits avec des bas nylon et du rouge aux babines. Il y a des loups frileux, avec des sentiments. Il y a des loups dorés.

Il y a des loups obliques, qui partent avec le jour, qui partent avec la nuit, des loups désespérants avec des airs de loups comme on croit qu’ont les loups.

Il y a des loups furieux, des loups qui pensent aux loups et qui pensent aux baleines. Il y a des romans noirs sous l’oreiller des loups.

Il y a la faim des loups.

Il y a des loups, tu sais, qui n’ont pas de mémoire. Ce sont des loups sans horde, souvent de très jeunes loups, qui ne cherchent qu’un visage où poser leur velours.

Et puis il y a des louves.”

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Soigner sa préface

Vendredi 27 Janvier 2012 à 10:07 - Catégorie: Citations
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“Nous avons fait table rase de tout qui embarrasse un livre ; l’esprit, l’observation, l’originalité, l’orthographe même ; et ne voilà que du crime.

En moyenne, chaque chapitre contiendra soixante-treize assassinats, exécutés avec soin, les uns frais, les autres ayant le temps d’acquérir, par le séjour des victimes à la cave ou dans la saumure, un degré de montant propre à émoustiller la gaîté des familles.

Les personne studieuses qui cherchent des procédés peu connus pour détruire ou seulement estropier leurs semblables trouveront ici cet article en abondance. Sur un travail de centralisation bien entendu, nous avons rassemblé les moyens les plus nouveaux. Soit qu’il s’agisse d’éventrer les petits enfants, d’étouffer les jeunes vierges ou de désosser MM.les militaires, nous opérons-nous mêmes.”

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Déclarer sa flamme

Mardi 02 Novembre 2010 à 19:37 - Catégorie: Citations
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« À l’écrivain ne sera jamais retirée la possibilité d’écrire – hormis dans l’extrême faiblesse du grand âge et la douleur physique intense – et ce sera pour lui un secours et une chance quand il fera l’expérience du deuil, de la maladie, de la solitude ou de la prison. Il tirera au moins ce profit de l’angoisse et de l’infortune. Mais écrire restera pour l’écrivain une exigence non moins impérieuse lorsque tout ira bien dans sa vie, lorsqu’il en sera à l’expérience de la quiétude, de l’équilibre et de l’amour. L’écriture empiétera alors sur son bonheur et il se peut que finalement elle ruine ce bonheur en lui disputant ses plus belles heures, en contestant sa souveraineté, si même elle ne lui nie pas sa qualité, tant il est vrai qu’écrire consiste à chercher rageusement ce qui ne va pas et que l’on n’écrit jamais en somme que des déclarations de guerre. »

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« Notre escalier n’est point du tout propre à l’exécution d’un projet amoureux ; je fus obligée de me contenter de mille baisers et autres petits riens, le reste nous étant a peu près impossible par la situation des lieux. En quoi mon amant eût pu cependant réussir s’il eût voulu sacrifier son aisance à mes désirs, mais c’était un garçon qui, quoique jeune, recherchait déjà ses petites commodités en amour. J’eus pour lui plus de complaisance ; je lui rendis un de ces services obligeants qui, quoique dénué de plusieurs circonstances de la réalité, se termine par les mêmes effets. Cet aimable enfant, touché de mes bontés, versa par reconnaissance de ces larmes qui se répandent avec plaisir. »

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Ne pas perdre espoir

Dimanche 22 Août 2010 à 09:52 - Catégorie: Citations
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« L’adolescence est difficile pour beaucoup. Pour Albert W., jeune étudiant de Boston, l’adolescence s’accompagne d’un phénomène pénible : il pleut sur lui à tout heure et où qu’il se trouve. C’est à dire même à l’intérieur. Au début, son entourage était surpris, puis franchement amusé. Avant de trouver ça agaçant.

Bien entendu Albert souffre énormément de ces réactions. Alors que justement, il a tout d’un garçon discret, réservé, qui, à ce détail près, ne fait jamais son intéressant. Pour le psychologue du campus, Albert est un garçon perturbé. «Ses pluies sont l’expression de son malaise devant la vie et ses incertitudes. Chez la plupart des jeunes, on assiste à des éruptions de boutons, chez lui, il pleut. » La psychologie semble en effet au coeur du problème. L’expérience le prouve : si on place Albert qui est déjà timide, dans une position d’inconfort accru, par exemple un tête-à tête avec une fille, on constate que le pluie redouble. (Ceci explique que Albert ait si peu de succès avec les filles.)

Les plus grands scientifiques se perdent en conjectures à l’examen du cas de Albert. Et n’ont pu que lui recommander le port du parapluie en toute saison. Mais, s’il le protège du rhume, cet objet ne dissimule en rien son infirmité au regard du monde. Et Albert ne veut pas d’une prothèse qui soit une béquille, si je me fais bien comprendre. Pauvre jeune homme, splendide dans son isolement, attendant que finissent les troubles de la puberté. Son anomalie prive Albert de la plupart des loisirs des jeunes de son époque, lesquels consomment du courant électrique. Et comme, semble-t’il, personne ne se mouillera pour devenir son ami, Albert se consacre à la lecture. Ou bien il va à la piscine ou peint des aquarelles.

Un souvenir heureux d’Albert, c’est quand ses parents l’ont envoyé vivre dans le sud-est asiatique pendant la saison des pluies. Là, loin de chez lui et privé de ses complexes, Albert a cru enfin vivre. Mais une fois la mousson passée, les gens ses sont moqués. Plus récemment, ses parents l’ont placé dans une institution spécialisée. À défaut de l’en guérir, ils pensent avoir réussi à atténuer son problème. Et c’est vrai, Albert est presque heureux. Il s’est fait un ami en la personne du garçon sur qui il neige. Et croit même être amoureux de la fille sur qui il grêle. Et ce bien qu’elle ait la tête toute cabossée. »

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Soumettre le chaos à ses propres régles

Lundi 09 Août 2010 à 09:06 - Catégorie: Citations
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« Les dés en place devant lui, il resta deux minutes dans cette position, priant silencieusement. Puis il ramassa les deux dés et se mit à les agiter gaiement dans ses mains en cornet.

Tremble dans mes mains, ô Dé,                                                                               Tout comme je tremble entre les tiennes.

Et, tenant les dés au-dessus de sa tête, il entonna à haute voix :

O grands et sévères cubes de Dieu, descendez, frémissez, créez.                                 Je remets mon âme entre vos mains.

Les dés s’abattirent : deux et un, trois. Il devait quitter à jamais femme et enfants. »

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« Il faut environ une heure pour faire bouillir une tête. »

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