3 Belles dans le barillet : les Naïades
Tags: Érotisme, Femmes fontaines, Naïades
Léthé, Daphné et Platée font exactement la même taille, ont un seul visage, une même voix, la même moue, rient des mêmes choses et pleurent à l’unisson. On pourrait mordre interminablement leurs nuques démesurées, leurs jambes longilignes, leurs longs bustes athlétiques. Ce sont des femmes longues que l’on parcourt du regard pendant d’infinies minutes. Leurs iris sont d’un noir abyssal. Elles sont les sosies exacts l’une de l’autre. Quand cette ceinte trinité entre dans un lieu public, le silence, qui se fait dévot, n’en est pas moins homme. Puis le bon sens et la science explique la raison du miracle en cours : ce sont des triplées monozygotes. Elles se ressemblent et s’assemblent comme trois gouttes d’eau.
Léthé se considère comme l’ainée, car elle est née quelques minutes avant ses soeurs.
Lorsqu’elles étaient enfants, leur mère les baignait toujours toutes les trois. Elles jouaient gaiement dans l’eau fumante jusqu’à ce que leur père les retirent, lèvres bleuies et membres grelottants, de la baignoire familiale. Elles aiment toujours l’eau passionnément et ont gardé l’habitude infantile de se baigner ou de se doucher ensemble. Quand elles voyagent, elles écument les rivières, les lacs et les bords de plages et on retrouve parfois à leurs alentours de jeunes hommes hébétés par la vision des trois nymphes se baignant nues sous une cascade. Elles s’aiment tant l’une l’autre qu’elles ne sauraient aimer aucun homme aussi fort. Beaucoup pensent qu’elles couchent ensemble et si rien ne le laisse vraiment à penser, les hommes de leur entourage aiment à s’imaginer la chose. L’idée même ce cet enchevêtrement haletant et moite réchauffe les draps froids des insomnies solitaires.
On ne parvient à distinguer les Naïades que nues : Daphné a, sur l’épaule droite, une cicatrice parfaitement ronde de la taille d’une pièce de monnaie ; Platée porte une longue estafilade qui remonte le long de sa cuisse gauche. Seule Léthé est vierge de tout stigmate.
Elles ont chacune une cour bigarrée de prétendants transis et d’admiratrices béates qui rivalisent pour leur plaire. Leur solitude discrète est assourdie d’un brouhaha continuel où chacun essaie de s’attirer une oreille attentive, un regard approbateur, un signe quelconque qui le placerait au rang des favoris de la cour. Au milieu, de toute cette agitation, elles s’ennuient joliment. Autour les paons font la roue, les costauds prennent des poses, les malins pérorent et les jeunes femmes essaient de se refléter dans leurs yeux. Les trois soeurs ne s’animent vraiment qu’en présence l’une de l’autre. Leurs amants sont rares, et bien que cela ne se sache pas, elles se les partagent presque systématiquement, abusant de leur identité commune et de leur charme immuable. L’amant passe de baignoire en douche sans vraiment s’en apercevoir au début ; il est adoubé par Daphnée, puis fait l’amour à Léthé dans l’appartement de la première sans se rendre compte de la supercherie. Tout au plus s’étonne-t-il de l’appétit insatiable de sa liaison et de sa surprenante ubiquité. De toute façon, aimer l’une, c’est infailliblement aimer les trois tant elles se ressemblent et partagent plus qu’une apparence. C’est le jour où il lui arrive d’en aimer deux lors d’une même union qu’il commence à comprendre qu’il a en fait trois maitresses interchangeables. La plupart renoncent à ce stade et les Naïades retournent à leurs solitudes. Une autre circonstance écarte le galant. Les étreintes des Naïades sont exclusivement aquatiques. L’amant reparti ignore le vrai secret de ses étreintes communes et amphibies.
Léthé, Daphné et Platée sont des femmes fontaines. Au moment de l’orgasme, elles urinent de plaisir. Elles se partagent donc des amants qui acceptent de leur faire l’amour dans l’eau, où, ce qu’elles considèrent comme un frein à leur plaisir, devient presque invisible.
Seul Ulysse continue de les aimer épisodiquement quand ses missions ne l’éloignent pas trop de la triade. Ulysse est un médecin humanitaire, chirurgien spécialisé dans la traumatologie et l’alcoolisme exotique, qui court les tremblements de terre, les typhons et les guerres civiles. Les trois femmes le rassurent plus qu’elles ne l’inquiètent. Ils les aiment dans leurs lits respectifs après les avoir apprivoisées une à une. Il aime se répéter intérieurement Mes femmes fontaines quand il est fatigué d’amputer les membres nécrosés d’enfants. Il trouve l’expression charmante. Il aime l’idée qu’aucune, à son sens, ne puisse simuler un orgasme.
Le 26 décembre 2004, Daphné et Platée disparaissent emportée par le tsunami alors qu’elles se baignaient sur une plage des Maldives. Ulysse part le 28 en Indonésie pour soigner les victimes.
Léthé plonge dans un sommeil lourd, se noie dans d’immenses vagues d’alcool qui traversent en grondant son appartement, déplacent les objets et emportent les meubles. Elle ne se lave plus. Elle couvre sa beauté d’un voile de crasse qu’elle gratte jusqu’au sang lorsque cela la démange.
Ulysse rentre six semaines plus tard. Il court chez Léthé, la découvre nue, zébrée, écorchée, puante, tendue comme une corde.
Il lui tire un bain et lui ordonne de s’y plonger. Il la rejoint dans la pièce d’eau, une cigarette au coin des lèvres et muni de sa trousse de cuir. Il la lave consciencieusement, la masse comme il peut, lui rince les cheveux et le visage et rallume une cigarette. Il la fume en tremblant, puis l’écrase délicatement sur l’épaule droite de Léthé à la hauteur exacte de la cicatrice de Daphné. Il prend ensuite, dans la trousse de cuir, un scalpel. Il écarte légèrement les cuisses de sa compagne, entaille délicatement la chair de la cuisse gauche. Il redessine, de mémoire, la cicatrice de Platée. Léthé se mord les lèvres. Une volute de sang s’élève dans l’eau chaude le long de ses genoux et de son bassin. L’artère fémorale est touchée. Elle succombe en moins d’un minute, semblant se liquéfier de contentement dans la chaleur du bain. Il se tranche professionnellement les veines en répétant inlassablement, pour se rassurer alors que sa vue se voile, Mes femmes fontaines, mes femmes fontaines, mes femmes fontaines, mes femmes fontaines, mes…
Parce que la com culturelle, des fois, c’est rigolo…
Tags: DJ Coupure, DJ Daïkin, Handicap Worldwide Sound System, Hétéroclites, Musique
Je mixe avec DJ Daïkin, aux Hétéroclites, le 5 juin…
On nous a demandé une bio, hahaha, une bio. Et ben on en envoyé une :
Handicap Worlwide Sound System
« Ils vous font danser parce que eux ne peuvent pas ! »
Le HWSS est un duo (dé)formé de DJ Daïkin et DJ Coupure.
« DJ Daïkin, atteint d’une osthéogenèse imparfaite, s’est rendu célèbre lors des soirées « Os de verre et gueule de bois » à l’Hôpital des Mutilés de Guerre de Phnom Penh. Pendant ce temps, DJ Coupure, victime d’un syndrome d’Asperger qui lui permet de citer tous les saxophonistes be-bop dans l’ordre alphabétique inversé mais qui l’empêche d’aller uriner seul, végétait à l’Hôpital Ste-Anne. Ils se lient d’amitié après que DJ Daïkin ait accompagné DJ Coupure aux toilettes lors d’une conférence où des ingénieurs présentaient le nouveau vocoder de Stephen Hawking. Depuis ils écument les maisons de retraite, les hôpitaux de fortune lors des catastrophes humanitaires et les festivals manchots avec un set électro-rock qui a rendu la vue à Gilbert Montagné. »
Plain-pied Magazine
Au jeu de l’amour, et bien qu’elle en connaisse parfaitement les règles, Alice est une perdante. Elle sait par coeur la théorie et les moindres raffinements stratégiques. Elle lit avec avidité tous les spécialistes qui ont écrit sur le sujet et s’est constituée une bibliothèque sur le sujet où Shakespeare et Barthes côtoient des courriers du coeur découpés dans des magazines féminins et rigoureusement archivés.
Sa vie tourne autour d’une féminité qui a pour modèle la beauté éternelle des grandes oeuvres et celle, éphémère, des modes successives qu’elle suit avec un goût sûr et décidé. Chaque matin, après avoir soigneusement nettoyé sa coupe de cristal, Alice se prépare au combat lors d’un long rituel où le moindre détail doit être à ses yeux parfait. Elle se lève en étirant son corps superbe et nu et en faisant quelques exercices pour maintenir un galbe parfait. Elle passe de longues heures dans une salle de bain qui tient du laboratoire, mariant savons, crèmes et parfums en une alchimie toujours renouvelée, transformant ce qu’elle croit être du plomb en ce qu’elle croit être de l’or. Elle choisit des sous-vêtements luxueux, luxuriants, puis va accommoder à ce secret de dentelles, que personne n’a jamais vu, le reste de sa garde-robe, mariant les étoffes et les couleurs avec l’oeil professionnel du couturier préparant le défilé. Sans doute Alice ne sait pas à quel point elle est déjà belle et qu’elle n’a qu’à souligner ce qu’elle cache sous les mascarades successives. Au sortir de sa discipline quotidienne, Alice est une femme nouvelle qui n’est pas tout à fait elle. Elle y parvient si bien qu’on peine à la reconnaître, qu’elle disparaît sous le modèle dont elle se rapproche. Les lignes de ses effets la font devenir mince un jour, plantureuse le lendemain. Ses maquillages altèrent sans fin la forme de son visage et le dessin de ses traits. Elle change de style comme de chemise. Alice est successivement, par la grâce d’une science illimitée, mille femmes différentes : la femme fatale des films noirs, l’épouse de l’Empereur de Chine, la Vénus de Boticelli. Si elle était sûre de la beauté de celle de Milo, un matin, elle se trancherait les bras. Elle sort de la salle de bain après avoir mis à son poignet gauche un bracelet de métal qui couvre la cicatrice toujours douloureuse et le pansement quotidien. Elle déjeune ensuite de thés aux effets thérapeutiques et de fruits choisis en fonction de la saison, du temps qu’il fait et de son teint du jour. Parée, elle part au travail où se répète chaque matin la même scène absurde…
« Bonjour, Mademoiselle, je peux, peut-être, vous renseigner ?
– C’est moi… Alice…
– Ah pardon, je ne t’avais pas reconnu… Tu es superbe, ce matin… »
Alice est satisfaite. Elle ne se rend pas compte qu’on la trouve aussi excentrique qu’elle est superbe et que si l’on se retourne dans son sillage, c’est autant pour l’admirer que pour s’étonner de son harnachement.
Elle passe alors la journée à s’ennuyer au travail en pensant à l’amour… Elle a un homme en vue, il est beau, cultivé, prévenant et si différent des autres. Elle rédige des lettres imaginaires pour l’inviter enfin à ce rendez-vous parfait où il succombera au milieu des étoffes arrachées. Elle lui envoie mille signes abscons qui ratent leur cible. Ses attentions délicates sont prises pour de la gentillesse ou pour des excentricités. Rien n’est clair dans ce qu’elle exprime tant elle cache la violence de ses sentiments sous tout un réseau de symboles dont elle seule, et son abondante bibliothèque amoureuse, connaissent la signification. Lorsque par miracle, enfin, sa proie saisit ce qu’il est en train de se passer, qu’elle regarde avec attention cette jeune femme à la beauté protéiforme, à l’intelligence remarquable, à la gentillesse constante, Alice s’est mise à penser à un autre. C’est qu’elle est toujours amoureuse d’un homme qu’elle n’a pas sous sa coupe. Elle est au fond plus amoureuse de la passion que de ses objets successifs et se complaît dans un désir inassouvi. Alice aime les hommes de loin, quand elle peut les imaginer d’une perfection égale à la sienne.
Le midi, elle mange seule. Comme chaque midi. Elle avait prévu de manger avec lui. Mais elle s’est mal débrouillée. Ou il n’a pas compris. Elle imagine ce qu’aurait pu être ce repas en sa compagnie.
Il en va de même de son retour chez elle.
Alice est vierge, du moins souhaite-t-elle le croire encore, par le fait d’un hymen dont la solidité n’a jamais rompu les rares fois, des accidents, où elle est parvenue à s’offrir à un homme une nuit. Elle est persuadée que celui-ci ne rompra que sous les coups de bassin de l’amant idéal qui est toujours le prochain. C’est pourtant une maîtresse zélée et experte par la grâce de ses lectures, qui comprennent aussi tout une encyclopédie du plaisir masculin qu’elle applique avec un mélange d’inexpérience et de passion tout à fait excitant. Elle n’a jamais connu le plaisir tant elle se concentre sur celui de son partenaire.
Le soir venu, au crépuscule de ses fantasmes diurnes, elle s’attache les jambes au lit avec des liens de cuir qu’elle serre le plus possible. Alice se masturbe alors jusqu’à l’épuisement en pensant à lui, avant de donner un petit coup de lame de rasoir à son poignet gauche. Elle recueille goutte à goutte son sang dans une coupe de cristal jusqu’à avoir la tête qui tourne puis s’endort dans ses draps blancs maculés de taches carmin. Elle imagine, en caressant du doigt les taches encore humides, que son hymen a rompu et qu’elle s’endort dans ses bras, enlacée dans un bonheur justement mérité.
Avoir une bonne raison pour emmerder le monde
Tags: Brock Clarke, Guide de l'incendiaire des maisons d'écrivains en Nouvelle-Angleterre, Livre
« Pourquoi faisons de la peine à nos parents ? Il n’y a pas d’explication à cela sinon que c’est une façon de nous entraîner pour plus tard, quand nous ferons de la peine à nos enfants. »