Archives pour Lundi 30 Novembre 2009 à 10:02

Si j’avais du, par amour pour une merveilleuse petite française, changer de pays du jour au lendemain, apprendre une langue difficile en demandant à mes nouveaux amis d’être sans cesse corrigé, surmonter mon aversion pour goûter des fromages affinés des mois, des abats d’animaux et des fruits de mer, devenir français en me mariant et en devenant père, apprendre ma langue maternelle à mes enfants tout en corrigeant leurs fautes d’orthographe en français, alors oui, sans doute je serais fier d’être français.

Si j’avais du, à la fois pour survivre et soutenir ma famille restée au pays, traverser un désert implacable et une mer nocturne, une plaine infinie et un col enneigé, une moitié du monde, vaste et hostile, déposer ma vie, mon coeur, entre les mains des passeurs, jouer à un cache-cache mortel avec les autorités, trouver un travail sans qualification et trimer comme une bête de somme car le malheur des pauvres est mondialisé et si au bout de ces longs mois de galère, j’avais pu enfin envoyer ces mandats pour mettre un peu de poisson dans le mil, alors oui, sans doute je serais fier de vivre en France.

Si j’avais du, parce que je suis un salaud de catholique, ou une sale fiotte, ou un traître de Hmong,  ou un terroriste du PKK, ou un enculé de sidaïque, fuir un pays que j’aime pour me réfugier dans un pays qui m’a fait rêver… Parce que c’est un pays laïc autorisant la liberté de culte, un pays où l’homosexualité est dépénalisée, un pays où les crimes racistes sont punis, un pays où je bénéficie de la liberté d’opinion, de réunion , de manifestation, un pays où, enfin, je peux me soigner, alors oui, je serais fier de vivre en France…

Mais je ne suis français et je ne vis en France que parce que je suis né français et en France. Qu’on ne me demande pas d’être fier d’être né. Cela ne me différencie de personne. Naître est la chose la plus commune du monde et je partage ce privilège aussi avec le plus grand des imbéciles, le plus glorieux salopard, le moindre d’entre nous et le meilleur d’entre eux. Cela ne fera jamais de moi quelqu’un de meilleur quand bien même j’aime ma langue, cette terre, cette culture et cette démocratie que je suis prêt à partager avec quiconque veut bien les aimer comme moi.

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Passion administrative

Lundi 23 Novembre 2009 à 10:03 - Catégorie: Doppelgänger
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Écrire à la CAF pour pouvoir conserver mes droits au RSA en expliquant pourquoi je ne demande pas de pension à Madame (Ben, je suis majeur et vacciné et je me torche le cul tout seul depuis pas mal de temps)… Retourner voir pour la troisième fois mon proprio qui s’est encore planté dans le dossier de demande d’APL (En même temps, c’est compliqué pour eux, après tout un cabinet immobilier qui remplit des dossiers d’APL, c’est pas si facile !)… Contester la décision d’aide juridictionnelle qui m’attribue un revenu de 1080 euros par mois et qui donc me demande une partie de la prise en charge de l’avocat (mais putain, je les veux bien moi les 1080 euros mensuels, je  serais plus riche et j’aurais pas ces démarches de merde à faire)…

La plupart des gens qui m’entoure ne croit absolument pas à ma malédiction administrative…

Mais le coup du dossier incomplet après trois allers-retours ou de l’aide juridictionnelle qui a du mal à faire une addition de deux lignes (mon salaire + le RSA), ça n’arrive qu’à moi.

C’est donc une journée placée sous le signe de la passion, celle qui te dévore quand tu poireautes une heure pour un entretien de cinq minutes, quand tu rédiges une lettre inutile, quand tu mendies (parce qu’il s’agit bien de ça…) pour gagner quelques mois, alors que tu veux juste bosser…

Je t’aime secrétaire de cabinet immobilier, mon esclave nue et offerte, ne vivant que grâce aux charges que je paye et que je retourne voir tous les deux mois parce que tu as fait une connerie. Je te vénère accueillante de la CAF, tu es à mon sévice public, soumise et alanguie, vivant sur mes prélèvements, coquine, qui ne me dit jamais la même chose que la fois précédente et que je n’ai jamais vu sourire (à l’exception de la petite jeune de la dernière fois, aussi incompétente que ses collègues, mais fort souriante ma foi, je l’en ai chaleureusement remercié tellement j’ai été ému qu’elle soit serviable). Me voilà, infini des possibilités administratives fier, dressé nu et bandant au vent, amant ultime ensemençant le monde sans distinction. Faisons l’amour…

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On ira au baston… Au baston

Jeudi 19 Novembre 2009 à 16:55 - Catégorie: Doppelgänger
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Voilà que je rentre après une dure journée de labeur de deux heures et que je prends mon courage à deux mains pour écrire à la CAF pourquoi je ne souhaite pas racketter Madame tout en conservant le RSA. Pour une fois Alexandre Jardin allait m’être d’une grande aide. Et puis le téléphone sonne. C’est le Cargö qui appelle, la SMAC de Caen…

« Dis moi LOBO, t’as un truc de prévu ce soir ?

– (Surtout ne pas s’emmêler les pinceaux, y’a un truc, c’est sûr, y’a un truc, fais le mec sûr de lui !) Heu non pas vraiment, …fin oui, …fin ça dépend quoi, faut voir… t’as un truc à me proposer ? (Merde, j’ai foiré là…)

– Faire le Monsieur Loyal pour le tremplin de ce soir !

– (Bon… dire oui… calmement… en faisant semblant de réfléchir… pro, sois pro…) OIU, heu UIO, OUI, quoi merde ! Oups pardon, oui bien sûr… j’aime beaucoup votre association dont le projet culturel colle parfaitement à mes ambitions professionnelles et…

– 19h00 !

– OK ! »

Hahahahahahahahahaha, comme quoi se faire huer par mille personne, il y a un an, en annonçant les résultats lors d’un autre tremplin, ça paye ! Parce que le public qui est sourd comme chacun sait et comme un pot, il est jamais d’accord avec le jury. Si vous voulez voir un être humain avec un coeur, une âme se faire humilier sur scène par une meute hurlante, c’est ce soir au Cargö, et c’est gratuit. (Et rassurez-vous, en bon loup, j’aime les meutes hurlantes, on dirait des coyotes, ils gueulent mais ils mordent pas !).

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De la jardinite

Mardi 17 Novembre 2009 à 09:11 - Catégorie: Doppelgänger
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Bon, comme vous pouvez le constater, j’ai du mal à redémarrer.

Sans doute ce blog a-t-il plus de mal à s’inscrire dans ma nouvelle vie, vie qui elle-même n’est pas tout à fait fixée.

C’était mieux avant quoi.

Il y avait cette partie journal intime, vaguement indécente, tout à fait commune et peu passionnante pour qui n’était pas moi. Elle me permettait d’écrire quand je n’avais rien d’intéressant à écrire puisqu’écrire était le plus important. Aujourd’hui, alors que j’ai trahi l’amour et que l’amour m’a trahi, mon intimité a été surexposée pendant plusieurs mois. Certes pas face à toi, internaute anonyme et perdu, mais face à beaucoup des miens qui fréquentaient aussi mes blogs successifs. Cette situation m’embarrasse. Pas que je crois qu’une intimité puisse tout à fait être pénétrée et mise à jour. Et quand bien même, une intimité n’est pas grand chose. Mais les quiproquos qui me faisaient rire lorsque je racontais mes aventures pourraient devenir l’objet de pleurs et de grincements de dent. C’est moins drôle quand même. Je sais que je reprendrais mais je ne sais pas quand.

Il y avait cette partie où j’écrivais ce que je pensais du monde, en faisant croire que c’était drôlement important et que ce que je pensais était nécessairement intelligent pourvu que je l’écrivisse (c’est ça, non ?) bien. J’avoue que j’aimerais bien reprendre ça, en le structurant un peu plus, on verra.

Il y avait cette partie où je parlais d’Art et de tous les chefs-d’oeuvres forcément définitifs que je croisais parce que c’était quand même le plus important. Ca aussi j’aimerais le reprendre en le structurant un peu plus. Dans le genre, j’ai maintenant une rubrique hebdomadaire sur le site du cinéma Lux, qui parle de cinéma évidemment, avec ce ton à la fois goguenard et prétentieux qui vous fait m’aimer. Tiens d’ailleurs faut que la colle en lien sur la gauche…

Il y avait enfin ces courts textes de fiction qui me permettaient d’évacuer cette curieuse pathologie qu’est la vocation d’écrivain et qui vous empêche de dormir, d’écouter une conversation sur la mode ou de suivre un show télé tant que vous ne vous êtes pas débarrassé des phrases qui vous encombrent l’esprit. Mais hélas, tout ce qui me vient en ce moment semble avoir été écrit par Alexandre Jardin quand il était encore puceau. Par exemple quand tu écris « alors que j’ai trahi l’amour et que l’amour m’a trahi » comme je viens de le faire, t’as une jardinite aiguë. C’est comme la grippe A, il faut éviter de la transmettre. C’est ainsi. Je ne connais pas le problème de la page blanche mais il y a des périodes où je n’écris que de la merde. Vous me direz ça n’empêche pas de la poster, et c’est vrai, puisque je l’ai déjà fait… Mais j’ai des scrupules… Tant pis…

Comme quoi n’avoir rien à dire ne m’a pas empêché une fois de plus de l’écrire.

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Éloge du crépuscule

Lundi 09 Novembre 2009 à 10:22 - Catégorie: Imprévus de presse
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Pepe est mort. C’est normal, cela faisait cinquante ans qu’il était vieux. Il avait un siècle en tout. Il a traversé les ans, les guerres, les continents avec une certaine humilité qui sans doute lui a permis de survivre. C’était un homme élégant et suranné, aux habitudes étranges, il portait même un bicorne et une épée. Il se disait homme du XIXéme siècle et s’étonnait de fréquenter enfin le XXIème. On le trouvait certes un peu bizarre. Il nous racontait des histoires d’indiens avec des cow-boys diffus et funestes qui portaient des casques de chantiers et des cravates. Il nous racontait comment le monde avait été créé en nous donnant chaque fois une version différente. Il nous expliquait pourquoi il était important de savoir qu’un mot n’existait pas. Il aimait chacun d’entre nous, ainsi que les chats, et les plantes, et le crépuscule, surtout le crépuscule… Et puis sa bibliothèque dans laquelle nous allions le voir et dans laquelle nous le surprenions au petit matin en train de discuter avec Montaigne. Pepe aimait discuter avec les morts de sa voix voilée, elle aussi, par le crépuscule. Il les a rejoint maintenant.

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