Sonnet confiné

Jeudi 19 Mars 2020 à 16:44 - Catégorie: Uncategorized
Tags:

C’était un misanthrope amateur, hésitant
Qui rêvait au jour où, seul, devenu sauvage,
Il se retirerait de ce grand esclavage :
Le commerce des hommes et ses pertes de temps.

Durant toute sa vie, il a thésaurisé
De quoi enthousiasmer sa proche indépendance,
Livres, disques, denrées et toute une intendance
Pour nourrir le corps et l’esprit marginalisés.

Enfin ! Confinement ! Ses livres silencieux
Supplantent les babillages qui montent aux cieux.
De la société, il a fui les quais.

Mais le bonheur amer a le cul plein de merde.
Plus de PQ. Et pire, il sent bien qu’il s’emmerde !
Comme à l’obsédé, les cons lui manquaient.

2 commentaires Lien Permanent Comments Feed

Arbeit macht Frei

Mercredi 07 Mars 2018 à 16:14 - Catégorie: Citations
Tags: , ,

« Loisirs et oisiveté. Il y a une sauvagerie tout indienne, particulière au sang des Peaux-Rouges, dans la façon dont les Américains aspirent à l’or ; et leur hâte au travail qui va jusqu’à l’essoufflement le véritable vice du nouveau monde commence déjà à contaminer la vieille Europe, à la rendre sauvage en propageant un manque d’esprit tout à fait singulier. On a maintenant honte du repos : la longue méditation occasionne déjà presque des remords. On réfléchit montre en main, comme on déjeune, les yeux fixés sur le courrier de la Bourse, on vit comme quelqu’un qui craindrait sans cesse de « laisser échapper » quelque chose. « Plutôt faire n’importe quoi que de ne rien faire » ce principe aussi est une corde propre à étrangler tout goût supérieur. Et de même que toutes les formes disparaissent à vue d’oeil dans cette hâte des travailleurs, de même périssent aussi le sentiment de la forme, l’oreille et l’oeil pour la mélodie du mouvement. La preuve en est dans la lourde et grossière précision exigée maintenant partout, chaque fois que l’homme veut être loyal vis-à-vis de l’homme, dans ses rapports avec les amis, les femmes, les parents, les enfants, les maîtres, les élèves, les guides et les princes, on n’a plus ni le temps, ni la force pour les cérémonies, pour la courtoisie avec des détours, pour tout Esprit de conversation, et, en général, pour tout otium. Car la chasse au gain force sans cesse l’esprit à se tendre jusqu’à l’épuisement, dans une constante dissimulation, avec le souci de duper ou de prévenir : la véritable vertu consiste maintenant à faire quelque chose en moins de temps qu’un autre. Il n’y a, par conséquent, que de rares heures de probité permise : mais pendant ces heures on est fatigué et l’on aspire non seulement à « se laisser aller », mais encore à s’étendre lourdement de long en large. C’est conformément à ce penchant que l’on fait maintenant sa correspondance ; le style et l’esprit des lettres seront toujours le véritable « signe du temps » . Si la société et les arts procurent encore un plaisir, c’est un plaisir tel que se le préparent des esclaves fatigués par le travail. Honte à ce contentement dans la « joie » chez les gens cultivés et incultes ! Honte à cette suspicion grandissante de toute joie ! Le travail a de plus en plus la bonne conscience de son côté : le penchant à la joie s’appelle déjà « besoin de se rétablir », et commence à avoir honte de soi-même. « C’est bon pour la santé » c’est ainsi que l’on parle, lorsque l’on est surpris pendant une partie de campagne. Oui, on en viendra bientôt à ne plus céder à un penchant pour vita contemplativa (c’est-à-dire à se promener, accompagné de pensées et d’amis) sans mépris de soi et mauvaise conscience. Eh bien ! autrefois, c’était le contraire : le travail portait avec lui la mauvaise conscience. Un homme de bonne origine cachait son travail quand la misère le forçait à travailler. L’esclave travaillait accablé sous le poids du sentiment de faire quelque chose de méprisable : le « faire » lui-même était quelque chose de méprisable. « Seul au loisir (otium) et à la guerre (bellum), il y a noblesse et honneur » : c’est ainsi que parlait la voix du préjugé antique ! »

Le Gai Savoir, IV, § 329, Loisirs et oisiveté, Friedrich Nietzsche. (J’ai mélangé rapidement deux traduction celle de Bouquins et celle d’Henri Albert revue par Marc Sautet pour le Livre de Poche.)

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

Codex buranus

Lundi 13 Novembre 2017 à 09:13 - Catégorie: Doppelgänger
Tags: , ,

Hier, ma mère, Ma Dame et moi sommes allés voir un ballet au Zénith de Caen. Le Ballet, le Choeur et l’Orchestre National de Russie jouaient les Carmina Burana, une cantate scénique de Carl Orff, composition qui utilise comme livrets des chants profanes du XIIIe siècle. C’est donc un peu de notre faute. Je reconnais volontiers que mon expérience de la scène en ce qui concerne les musiques savantes occidentales est fort réduite mais quand même, j’ai vu deux opéras dans ma vie.

Bavarian State Library, Munich, Codex Buranus (Carmina Burana) Clm 4660; fol. 1r with the Wheel of Fortune

Dès le parking, j’aurais du me douter de quelque chose, belles bagnoles bien entretenues chargées de vieux jusqu’à la gueule. J’avais déjà remarqué que le public d’opéra n’avait pas forcément le même âge moyen que celui de Black M, mais à ce point ? Alors qu’il y a une canicule par an ? Mais que fait le réchauffement de la planète ?

En salle, la chose se confirme. On se rend compte qu’on appartient à un milieu, à une classe sociale, à une génération, à une coterie, à une secte, à une prison, quand on en sort. Avec Ma Dame, l’un de nos jeux de parvenus de la cause culturelle, lorsque nous sommes au spectacle, est de nous amuser à compter les gens que nous connaissons dans la salle. On s’ennuie comme on peut en attendant le lever de rideau. Il arrive même, par exemple lors d’un spectacle jeune public où toute la mafia socio-cul caennaise emmène ses enfants afin de leur transmettre leur héritage sous forme d’un capital culturel aussi encombrant qu’inutile, que nous préférions compter les gens que nous ne connaissons pas. Ça va plus vite. Et puis, dans ce cas, Ma Dame gagne. Alors, satisfaits d’en être, mais sans savoir exactement de quoi, nous suivons avec passion les trois-quarts d’heure de spectacle où des animaux qui parlent vont faire triompher le bien, le vivre-ensemble et la tolérance. Alors que la girafe était vraiment conne. En repartant, nous embrassons les amis, les copains, les vagues connaissances et parfois, suite à un quiproquo, de parfaits inconnus mais très sympas, tout en tâchant d’éviter les étreintes de leurs boud’choux dont la morve, qui coule de leurs nez, rejoint la bave, qui coule de leurs bouches. Nous repartons heureux d’être nous-mêmes, puisque nous sommes comme les autres, et porteurs inconscients d’un nouveau virus hivernal.

Ici, bien que le Zénith fût grand, bien que la jauge fût pleine, bien que nous fussions arrivés en avance, mon score personnel, en comptant l’entracte, fut de quatre personnes connues dont un des membres du service de sécurité. Et il faut bien l’avouer, je me suis comporté comme un butor. Fasciné par le ballet de première partie, celui des placeuses courant littéralement pour retourner à l’entrée, j’ai complètement ignoré l’usage qui m’a, après observation, paru assez commun d’offrir à la nôtre une pièce bien méritée et qui lui donnât une bonne raison de courir après nous avoir amenés à bon port et à la rangé E7 que nous aurions pu trouver seuls. Je n’ai pas non plus osé demander le programme, j’ignorais qu’on pouvait payer un programme et, après l’avoir appris, je n’avais de toute façon pas dix euros sur moi. Et puis, je cherchais désespérément un visage familier dans la foule, même un vulgaire technicien…

Dieu merci, les lumières s’éteignirent, les rideaux s’écartèrent et retentit la première strophe d’O Fortuna, éclairant ma situation de son livret prophétique :

« Ô Fortune,
comme la Lune
de nature changeante,
toujours croissant
ou décroissant ;
Vie détestable
oppressante
puis aimable
par fantaisie ;
Misère
et puissance
se mêlent comme la glace fondant. »

Je n’avais appris qu’une poignée de minutes avant l’extinction des feux que j’allais assister à un ballet. Je pensais connement que la chose se résumerait à un concert. Je n’avais donc pas pu museler efficacement mon habitus et je dois reconnaître que, comme souvent quand je vois de la danse classique, je n’ai pu m’empêcher de rire intérieurement pendant le premier quart d’heure. Un bête réflexe de classe, du à mon inculture, qui se déclenche a peu près à chaque fois qu’un danseur court à petit pas vers les coulisses en laissant traîner ses bras derrière lui comme Jim Carey dans Ace Ventura en Afrique, la scène avec les fléchettes. D’après Ma Dame, qui aime la danse classique et a toujours les mots justes pour me traiter d’imbécile avec toute l’élégance dont elle ne parvient pas à se départir, il faudrait, pour palier à mon manque d’éducation, quelque chose d’équivalent à une suspension temporaire d’incrédulité mais qui serait ici une suspension temporaire d’habitus. A ma décharge, le danseur étoile, sans doute blessé ou épuisé par un rythme de tournée qui aurait fait passer Stakhanov pour un quadrille, peinait énormément et ses grands jetés ressemblaient à ceux qu’exécutent ma fille de 5 ans après trois semaines de danse. Une fois que je suis parvenu à me concentrer sur le reste, le décor digne d’un péplum américain, les danseuses virtuoses, les chanteurs solistes, je dois reconnaître avoir apprécié. Et surtout l’orchestre dont l’interprétation en douceur m’a changé de toutes celles, lyriques et pompières, que j’avais entendues jusqu’ici.

Demeure ce mystère, d’après le programme du Zénith, ce genre de ballet, à plus de 45 boules la place, sur un strapontin à côté des chiottes sous la soufflerie avec quelqu’un sur les genoux, joue très régulièrement entre un concert de Sardou et un one-man-show salade-tomate-oignon d’un comique communautaire français. Il y a donc un public. Qui est-il ? Qu’a-t-il pensé du spectacle ? Où trouve-t-il l’argent ? Comment faire pour épouser sa fille et en hériter après qu’elle sera tombée dans l’escalier ? Je l’ignore…

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

Éloge des nuées

Lundi 18 Septembre 2017 à 09:31 - Catégorie: Mensonge
Tags: , ,

Dans quelques jours aura lieu l’équinoxe d’automne. Vu de la Terre, le soleil à l’équateur sera exactement au zénith, ce qui est fort satisfaisant à savoir quand on aime les choses bien rangées. Hélas, cela n’arrive que deux fois par an. Le reste du temps, par un de ces mystères mathématiques qui donnent leur charme à toutes les évidences et malgré la complexité de l’orbite terrestre autour du Soleil ou le fait que le Soleil se meut perpétuellement le long d’une ligne de fuite, les deux astres demeurent certes alignés mais un je ne sais quoi choque l’œil et le bon sens. Il y a des moutons sous le canapé, il manque une pièce au puzzle, la chaise branle : l’axe de rotation de la Terre n’est pas perpendiculaire à l’écliptique.

Ce n’est pas sans angoisse que le gentilhomme voit venir au loin l’équinoxe d’automne. Celui-ci plongera l’hémisphère nord dans cette période de l’année qui verra le triomphe de la nuit et du froid, ainsi que la disparition des jupes. Il ne sera plus possible de cueillir aux lourdes branches des arbres fruitiers des épaules nues brunies pas le soleil pour y dévorer à pleines mains les nourritures terrestres. Bientôt tomberont les feuilles en parure, couvrant les corps des jeunes hommes et des jeunes femmes que nous admirions sans fin le jour en espérant les aimer lors de nuits trop courtes. A peine entrevus, ils disparaissaient avant l’abordage et c’est nous qui sombrions. Au moins étions-nous occupés à la contemplation de beautés éphémères. Le gentilhomme, pour échapper au mortel ennui de l’hiver où Apollon ne va plus quasi nu et où Aphrodite a la goutte au nez, devra tourner ses yeux vers le ciel. Car ici tout s’inverse.

Qu’il est chiant le ciel d’été dans son bleu uniforme et minéral uniquement traversé par les traînées des carlingues qui en quadrillent la rengaine quotidienne. Et qu’il est beau le ciel d’automne qui joue avec les lumières d’équinoxe, délirant de profusions dans d’immenses cathédrales baroques, colonnes de cumulo-nimbus s’élevant parfois sur plusieurs milliers de mètres de haut, bourgeonnant à leurs sommets en un chou-fleur de ouate sur lequel on aimerait reposer. C’est le fameux cloud nine équivalent anglophone du septième ciel cher aux anges, aux amants et à ceux qui mesurent l’horizon à l’aune des nuées.

Ces architectures de vapeur d’eau, où se côtoient parfois les cristaux de glace et les éclairs d’orages d’altitude semblent marcher sur terre grâce à leur pied faits de traînées d’averse trempant le sol au loin. Une « rue » de cumulus mediocris s’étire à perte de vue et vient en souligner la verticalité tandis que tout là haut des cirrus finissent de s’évaporer pour disparaître croit-on à jamais. Il se reformeront ailleurs, à des centaines de kilomètres d’ici, pour le bonheur d’autres que nous qui aurons également oublié de regarder leur nombril pour s’attarder un instant, leur nez pointant les astres.

C’est l’occasion de voir l’arc-en-ciel, les arcs circumzénithaux, les gloires, les enclumes, les arcus, les échelles des Jacob, colonnes de lumière traversant les nuages et qui tombent sur le sol comme la lumière jouant avec la poussière à travers un vitrail.

Bien sûr, il y aura toujours des esprits chagrins que tous les nuages inquiètent. Peut-on leur donner tort quand le nimbo-stratus semble couvrir l’ensemble de la terre visible, cachant le soleil et la lune, voilant tout d’une lumière absolument diffuse, empêchant ainsi de se repérer dans le temps en suivant la course du soleil ou dans l’espace céleste en effaçant toute mesure sous un plafond gris monotone, morne et humide comme un mouchoir plein de rhume ? Ce ciel bas et lourd indique pourtant à lui seul la véritable heure d’hiver, cette humeur noire qui signe la fin des observations célestes et invite à rentrer chez soi en attendant qu’il se dissipe. L’heure d’hiver, c’est la mélancolie. Le gentilhomme rentre alors chez lui. Il allume au plafond la lumière électrique. Il chauffe l’eau, le lait et la soupe. Il prépare le feu. Il réveille l’été qui attend son heure dans les foyers heureux.

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

L’Ecole de Régression Personnelle

Samedi 19 Novembre 2016 à 17:15 - Catégorie: Uncategorized
Tags:
 Ni les astres, ni les vibrations, ni l’amour universel ne peuvent vous aider. Faut vraiment être débile pour croire à ces conneries.

Rien n’influence votre vie ; si vous êtes un nul, c’est d’abord de votre faute.

Et si vous en êtes arrivé là, il n’y a aucune raison que ça change.

jehovah621

 
L’Ecole de Régression Personnelle travaille sur tout ce qui influence le corps et l’esprit. Respiration, alimentation, sexualité, altérité et rapport au monde. Apprenez à hyper-ventiler jusqu’à vous évanouir, à ne manger que des trucs qui vous font plaisir et à crever de diabète, à copuler sans cesse dans la plus grande indifférence ou, si en plus vous êtes moches, à vous masturber des heures durant. Vous ne serez pas plus malheureux pour autant.

A L’Ecole de Régression Personnelle, vous apprendrez également à percevoir les autres pour ce qu’ils sont réellement : des rivaux, des ennemis ou des esclaves. Surtout s’ils sont différents. La différence est une menace. Loin de nous enrichir, elle nous appauvrit en réduisant le champ de ce qui est immédiatement partageable entre deux individus.

A L’Ecole de Régression Personnelle, vous regarderez le monde pour ce qu’il est  vraiment : un espace qui se dégrade sans cesse, un temps très court de souffrance exacerbée.

A L’Ecole de Régression Personnelle, vous apprendrez à vous connaître vous-même et à vous aimer tel que vous êtes, un individu négligeable, sans qualité particulière, en cela semblable à tous, et qui ne laissera aucune trace. L’insomnie, la mélancolie, la dépression sont des états normaux.

A L’Ecole de Régression Personnelle, vous apprendrez à diriger votre esprit vers des pensée négatives. Vous apprendrez à mettre un oreiller sur la tête des malades incurables pour au moins abréger vos propres souffrances. Vous deviendrez insensible, ce qui est la clé du bonheur égoïste. Vous deviendrez une mauvaise personne.

Partager, ça ne vaut le coup que si vous n’avez rien.

De toute façon, il n’y a rien après la mort et vous allez tous crever.

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

Aux correspondantes (variations)

Dimanche 13 Novembre 2016 à 10:39 - Catégorie: Uncategorized
Tags:

femmeinsecte

La Femme-insecte, Osamu Tezuka,1970.

Mon désir étreint toutes les femmes croisées. Il embrasse du regard leurs déclinaisons infinies. Il emballe leurs tailles de guêpe dans ses boîtes d’entomologue. Il ajoute une nuance à l’arc-en-ciel de leurs iris. Il vénère l’indistinction de leurs beautés éphémères croisées au détour d’une coïncidence. Il collige les coups de foudre, les arrêts cardiaques, les emballements, tout ce que femmes provoquent. Une aiguille d’acier les traverse de part en part pour qu’elles ne soient pas aussitôt oubliées qu’elles ont été aimées. Alignées, comparées, admirées, la collection s’accumule, envahissant au fur et à mesure l’espace mental. Tout ici est femme, du duvet prairial qui ondule sous le souffle jusqu’à la pupille dilatée de la nuit.

Je désire vous étreindre, ô femmes croisées. J’embrasse du regard vos inclinaisons infinies. J’empale vos tailles de guêpières dans des boîtes d’entomologue. Je goûte les nuances de l’arc-en-ciel à vos iris. Je vénère l’indistinction de vos beautés éphémères croisées au dédale d’une danse. Je collige les coups de foudre, les arrêts cardiaques, les emballements, tout ce que mon coeur convoque. Mon aiguille d’acier vous transperce de part en part, vous oubliez aussitôt que d’autres vous ont aimé. Lignées, parées, mirées, ma collection s’accumule envahissant à fur et en mesure mon espace mental. Ici, tout est vous, du duvet prairial qui ondule sous le souffle jusqu’à la pupille dilatée de l’ennui.

Je croise tes désirs étreints, mal-famés. J’embrase du regard tes inclinations infinies. J’empale tes détails de guêpière, j’emboîte dans ton mollusque. J’ajoute une gluance à l’arc-en-miel de tes orifices. Je vénère la distinction de tes bontés éphémères entrecroisées au détour d’une décadence. Je corrige à coups de foudre tes arrêts cardiaques, tes emballements, tout ce que tu évoques, infâme. Mon anaconde d’acier te transperce de mare en mare pour que tu inoublies avoir été aimée. Analignée, conperlée, admiraie, la correction t’encumule, emplissant sans fur ni mesure tes spasmes, mantras. Ici, tout est toi, du duvet prairial qui ondule sous le souffre jusqu’à la papille dilatée de la nuit.

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

Je suis l’inculte

Jeudi 10 Novembre 2016 à 21:35 - Catégorie: Uncategorized
Tags:

J’ai pas appris à pleurer
Avant la naissance de mes gosses
J’ai juste peur de crever
Et de pas finir le mois
Je suis inculte

Je torche tes enfants
On nous dit de pas trop s’attacher
Mais quand ils rentrent enfin à l’école
Il m’arrive de pleurer
Y’en a que je reverrai jamais
Ils m’appelaient Tata
Mais je suis inculte
Je ballade mes cent kilos de minuit à huit heures du mat’
Y’a vingt ans c’était du muscle
Maintenant y’a la moitié de graisse
Mais ça suffit à garder le chantier
Je suis inculte
Je passe tes articles
Un par un à la douchette
Je bosse encore quand toi t’as fini
Pour que tu puisses faire tes courses
Je suis inculte
J’ai fait ma maison sur les week-ends
La semaine je construisais les vôtres
Regarde les cals sur mes mains
Ma femme veut plus que je la caresse
Je suis inculte
J’ai toujours été un peu lente
On me l’a souvent répété à l’école
J’ai honte de faire des chèques
Parce que j’écris pas bien
Je suis inculte
Tu me parles comme à un mongol
Sauf si elle est en rade ta bagnole
Quand j’ouvre le capot pour t’expliquer
Tu te mets à mater tes pieds
C’est moi l’inculte ?
Je suis flic de base
Tout le monde déteste la police
C’est un peu comme être arabe
Sauf que moi je suis armé
Je suis inculte
Je suis grosse je suis moche
Je suis pauvre je suis seule
Tu me demandes pourquoi autant d’mioches ?
C’est juste que j’aime mes gosses
Je suis inculte
J’ai fait six mois
J’ai perdu mon boulot
Je bosse au black
Pour compléter mon RSA
Je suis inculte
Je fais ton pain, ton ménage,
Répare tes chiottes
Je fous rien et j’m’en fous
Je fume des joints
Je suis inculte
Je vide tes poubelles
Je nettoie la merde de tes vieux
Je prépare tes kebabs
Je fais la manche au Monop’
Je suis inculte
Je suis raciste et polonais
Homophobe et pédé
Femme et sexiste
Carte d’handicapé
Et puis inculte

T’aimes bien me voir dans les télé-réalités
Mais c’que tu préfères c’est sur ARTE
Tu pleures sur ma “condition sociale”
Moi ça m’fait chier
Parc’que ch’uis inculte
Je suis “conspirationniste”
Adepte du tous pourris
Si on est pas pauvres de not’ faute
C’est d’la faute à qui ?
C’est parce qu’on est incultes ?

Je suis pas éduqué
Je sais pas bien parler
J’ai pas la classe ouvrière
Mais je vote et ça t’emmerde
Vu qu’ch’uis inculte

J’ai pas appris à pleurer
Avant la naissance de mes gosses
J’ai juste peur de crever
Et de pas finir le mois
Je suis inculte

2 commentaires Lien Permanent Comments Feed

De l’utilité des baleines dans l’agriculture

Jeudi 10 Novembre 2016 à 07:03 - Catégorie: Uncategorized
Tags:

baleine

 

C’est en comptant le nombre de baleines dans ses champs que le paysan normand détermine le niveau des précipitations nocturnes.

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

Le massacre de la Saint Kuriakose

Dimanche 06 Novembre 2016 à 10:08 - Catégorie: Uncategorized
Tags:

boxe3

Illustration extraite de Les Sports modernes illustrés. encyclopédie sportive illustrée (813 gravures), publiée sous la direction de MM. P. Moreau et G. Voulquin, édité par Larousse (Paris) en 1905-1906.

“(…) Jusqu’au XIXème siècle, il n’y eut à Monsonge qu’un seul cercle d’Art Martial Littéraire qui porte encore aujourd’hui le nom d’Ecole des Belles Lettres. Tombée en désuétude, l’Ecole ne compte plus qu’une dizaine de membres qui partagent leur temps entre la composition latine, le roman historique local et l’attribution d’un prix annuel. Jusqu’en 1828, et ce malgré les querelles émaillant l’histoire de la littérature au niveau national, seul Paris , Lyon et Bordeaux comptent plus d’un cercle d’Art Martial Littéraire. Très conservatrice, l’Ecole ne déroge pas à la règle et suit avec deux ou trois décennies de retard le règlement parisien des conflits stylistiques. C’est d’ailleurs un parisien, exilé lors de la Bataille du rejet dans l’alexandrin, Jean-Baptiste Pochet, qui fondera en 1828, la Colonie, cercle éphémère de poètes en prose qui eut la particularité d’être le premier à accueillir des femmes. Les provocations incessantes des disciples de M. Pochet sur les choix de sujets de leurs poèmes (le chemin de fer, le libéralisme, la cuisine paysanne, etc.) crispe rapidement les relations entre l’Ecole et la Colonie. L’affrontement était inévitable.

Le massacre de la Saint Kuriakose

Le 3 janvier 1829, l’Ecole envoie une délégation de cinq poètes et de cinq prosateurs à la Colonie. Jean-Baptiste Pochet est absent. Il est à Paris, chez sa mère, où il rédige un mémoire pour le retour de l’épigramme en prose. L’affrontement est aussi rapide que violent. Parmi les prosateurs de l’Ecole, et malgré leur interdiction tacite lors des défis entre cercles, se trouve un polémiste. Il n’y aura aucun survivant à la Colonie. On trouve 17 corps dont celui de Constance Pochet, épouse du maître des lieux. La police refuse d’intervenir dans une rivalité entre deux bandes littéraires. A l’époque, beaucoup d’officiers sont encore analphabètes, mal armés face à ces violences et estiment les risques encourus beaucoup trop importants. Par ailleurs, l’Ecole des Belles Lettres bénéficie de solides appuis politiques puisque beaucoup de notables en sont membres et qu’elle rédige chaque année la pièce de théâtre de fin d’année du Lycée de Jeunes Filles de la rue aux Juifs dont le succès ne s’est jamais démenti. Elle n’est donc pas inquiétée et l’affaire est enterrée avec les restes des corps des membres de la Colonie.

L’épigramme en prose de fer

Peu après son retour, M. Pochet, fou de douleur, achète une bergerie, se réfugie dans les montagnes entourant Monsonge et passe dans la clandestinité. Il envoie des lettres explosives. Sept membres de l’Ecole sont tués et son directeur, François de Baulieu est rendu aveugle en lisant une variante anaphorique du fameux “C’est çui qui dit, qu’y est !” Un version allégée de ce texte est encore utilisée de nos jours comme technique de self-defense. C’est durant cette période que M. Pochet élabore la méthode d’écriture qui permet d’asphyxier un adversaire ou de lui crever les yeux sans lire à voix haute. C’est sans conteste l’invention martiale littéraire occidentale la plus marquante du XIXème siècle que M. Pochet nommera l’épigramme en prose de fer et qui est encore utilisée de nos jours lors de grands conflits internationaux. On attribue à cette technique et à son industrialisation la moitié des victimes de la Querelle de la raréfaction des adverbes dans le roman des années 62-63 (…)”

(extrait du guide touristique gratuit délivré à l’Office du Tourisme de Monsonge.)

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

La platitude

Lundi 31 Octobre 2016 à 10:37 - Catégorie: Uncategorized
Tags:

Le soleil s’épuise à monter au loin avant de retomber vaincu. Sysiphe s’éreinte. La nuit prend ses aises. Elle s’étire langoureusement. Elle s’étend complaisamment. Elle a décidé de n’en plus finir avec nous. Le jour s’abandonne plus vite à ses draps noirs. Il renonce sans plus combattre. Et elle étreint plus longuement les matins pluvieux. Il n’y a bientôt plus de midi, plus de zénith, plus d’apogée.

De l’humus monte l’odeur douceâtre du caveau. Dans  le brusque silence des insectes volants, le dépouillement des feuilles tombées, le scintillement métallique du givre sur la branche nue, on devine le triomphe sinistre de la mort universelle. Le pas se fait lourd. La boue, la fatigue, le renoncement collent aux semelles. Le ciel gris pèse de toute son humidité sur les épaules. La terre appelle le corps et voudrait l’avaler. Voici venu l’automne et son cortège funèbre.

Nous allons entrer dans la vie économe de l’hiver. Pour vivre une année de plus, il faut mourir une saison encore.

Laissez un commentaire Lien Permanent Comments Feed

«